CANDIDATURE A LA PRESIDENCE
Le samedi 10 janvier 2000, Sergine Cheikh Tidiane Sy s'est prononcé sur la candidature à la présidence de la République de son fils Sergine Mtoustapha. Conférence attendue car le Guide religieux devait. donner son avis sur cette candidature là mais aussi sur le jeu politique, un jeu de chaises musicales où les profanes ne comprennent pas grand-chose et où Sergine Cheikh excelle. Il aura réussi un grand coup en disant ce qu'il avait à dire sans offusquer personne mais en se faisant comprendre par ceux à qui son discours sibyllin était destiné.
Des conférences de Sergine Cheikh, on revient toujours plus troublé. Son discours est un questionnement permanent. Une sorte d'auto-dialogue avec soi mais aussi avec un auditoire qu'il dompte progressivement pour l' emmener à trouver les réponses aux questions qu'il pose et aux-quelles il n'apporte que très rarement des réponses tranchées. Comme Me Wade en politique, Sergine Cheikh, à la lisière de la chose politique, est un homme de nuance. Dans le débat politique actuellement en cours et le scrutin présidentiel du 27 février, ses avis sont à décortiquer avec minutie. Sa dernière causerie le 29 janvier 2000 n'a pas échappé à la règle : Cheikh Tidiane a distillé ses pensées et ses messages.
Que faudrait-il comprendre de ce dis cours?
Sergine Cheikh demeure le maître dans tous les jeux auxquels il participe. Il n'est pas candidat, il n'a pas de parti politique. Mieux, il ne dirige pas directement le Mouvement Moustarchidine Wal Moustarchidate. Mais il est le père de Moustapha Sy. Et celui-ci, par une grande manoeuvre, a réussi à entrer dans le jeu politique par effraction quasiment sans pour autant que l'on puisse l'accuser d'avoir violé quelque no man's land que ce soit. Sergine Moustapha Sy est le Guide moral du MWM. Il vient de sur- prendre tout le monde en devenant le président du Parti de l'Unité et du Rassemblement. Certes, on avait fini par découvrir que ce parti, né en février 1998, était une caisse de résonance politique du mouvement religieux. Ainsi, il faut comprendre que sans prendre une part active dans le jeu politique, Sergine Cheikh y est fatalement présent. Son fils aîné, Mansour, a dit le 29 janvier que son père était leur «conscience». Bref, il est le point centrifuge et centripète de la famille et du mouvement.
Lors de la nomination de Moustapha Sy comme président du PUR le '6 janvier et sa quasi investiture comme candidat, le Guide des MWM avait tenu à préciser que ce serait à l'occasion du rendez-vous du 29 janvier 2000 que la lumière jaillira. Au jour dit, on ne peut encore croire que tout est dit dans ce long flirt de Moustapha Sy avec la politique et le pouvoir. Son arrivée surprise à la tête du PUR, sa candidature à la présidence de la République déposée pour être aussitôt retirée, son appel à Diouf pour qu'il quitte le pouvoir et enfin le discours conciliant de son père sont des faits loin d'être innocents. Moustapha Sy ne saurait être pris pour quelqu'un qui n'en fait qu'à sa tête. Il a bien mesuré tous les actes posés ces dernières semaines qui l'ont mené à l'intervention de son père et qui vont aboutir à la rencontre avec le candidat socialiste et à la publication d'une déclaration.
La méthode est une marque familiale déposée. Comme avec les talibés, Sergine Cheikh utilise la méthode du dialogue. Son fils lui demande d'aller voir Diouf pour que celui-ci quitte le pouvoir. Réponse deux semaines plus tard du père: «je connais la réponse de Diouf: il me demandera que tu viennes le rencontrer. Alors je te recommande d'aller je voir car c'est ton père» .Tout est dans cette réponse. Le temps des défis est terminé. Le temps de la confrontation aussi. Moustapha qui a fait le bélier dans l' opposition au pouvoir de Diouf pen dant la décennie 90 est mûr pour entrer dans la Cour des grands, de récolter ses semences politiques de préférence en nouant le dialogue avec Diouf ou ses adversaires ou les deux.
Voilà ce que Sergine Cheikh a dit à Diouf et à l'opposition. Le «petit» a démontré qu'il est le digne fils de son père. Comme lui l'est de Babacar. Comme Babacar l'est de Mawdo. l'enfant terrible de Sergine Cheikh a maintenant et définitivement la Légitimité. Mieux, il est sevré par son père qui va une dernière fois le mettre en face de Diouf et des autres leaders dont il sera l'interlocuteur politique. Wade est trop vieux «Vous ne pouvez vous entendre avec lui» a dit Sergine Cheikh. «Diouf c'est ton père» , dit-il du président à qui Moustapha a demandé de se retirer.
Sevré Moustapha l'est, mais les conseils pour survivre dans ce monde dangereux de la politique n'ont pas manqué au nouveau leader du PUR. Premièrement: entre ton «père» Diouf et mon ami Wade tu ne choisiras point à la légère surtout que le PS est aussi nôtre. Dans la jungle dans laquelle tu vivras, il faudra avoir plusieurs atouts dans sa manche. Ainsi armé, Moustapha va jouer son rôle histo rique d'interface entre les politiques,
de «médiateur» au lieu d'être la chair à canon de ceux-ci .
Le message est sans doute compris. Mais il ne faut pas croire que Sergine Cheikh a dévolu là sa succession poli tique et qu'il est bon pour jouir d'une retraite paisible. En se chargeant de raccommoder les liens distendus entre Diouf et son «fils» Moustapha, son «cher Moustapha» , Sergine Cheikh met à profit le tremplin offert par le PUR et son fils Moustapha Sy pour rebondir sur la scène politique et prendre de la hauteur. Sans donner un Ndigueul formel, il profi te de la tribune diligemment offerte par le MWM pour participer à une élection pré sidentielle qui va déterminer l' agencement politique national pour encore de nom breuses années. Il profite surtout de l'occasion pour dépasser le problème du Khalifat de Tivaouane.
Son isolement par le duo Mansour Sy Abdou Aziz Sy Junior ne lui a apparemment pas porté préjudi ce. Ces contorsions, Sergine Cheikh n'eut point besoin de s'y obliger car avec la force politique que constitue le mouvement de son fils Moustapha, il a trouvé un solide socle sur lequel se reposer et à partir duquel il peut distiller ses doctes avis sans tomber dans le Ndigueul banal ni subir les foudres de talibés rétifs à tout soutien au pouvoir en place. Bref, il aura réussi un formidable coup politique le 29 janvier en se mettant au- dessus de la mêlée, en sauvant la mise à son fils qui allait entrer dans la cage aux lions en partant à la conquête du Palais de la République. Sans doute, plus que tout, ce qui lui aura fait le plus plaisir dans ce coup politique est d'avoir démontré que son poids poli tique contrebalance largement celui de ses deux frères réunis, Serigne Mansour et Abdoul Aziz Junior et peut-être même pèse beaucoup plus que ceux-ci.
I
ssa SALL (Nouvel Horizon N° 207 février 2000)
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